Depuis le début du millénaire, le marché de l’immobilier n’a cessé de croître alors que de plus en plus de Québécois sont devenus propriétaires de leur logement. Le prix des résidences a suivi le marché et la personne qui envisage de devenir propriétaire pour la première fois peut se demander comment autant de gens font pour payer des prix si élevés. C’est notamment en raison de la faiblesse des taux d’intérêt qui perdure que les emprunteurs peuvent obtenir des montants importants des prêteurs hypothécaires, et cette donnée économique n’est certainement pas étrangère au prix élevé du marché immobilier.

Évidemment, le premier acheteur ne peut compter sur la vente de sa résidence actuelle pour augmenter sa mise de fonds et réduire le coût d’emprunt de son premier achat. Par contre, lorsqu’il communiquera avec son institution financière pour savoir combien il pourrait emprunter, il risque d’être surpris du montant que l’institution financière est prête à lui consentir.

Avant d’aller de l’avant et d’emprunter le montant maximum proposé par l’institution financière, il faut comprendre que ce montant ne découle pas d’une analyse personnalisée de la capacité financière de l’emprunteur à rembourser le prêt. Les prêteurs hypothécaires regardent simplement le revenu de l’emprunteur et veillent à ce que le montant nécessaire au remboursement des dettes ne dépasse pas un pourcentage prédéterminé du revenu. Les principaux ratios utilisés sont l’amortissement brut de la dette et l’amortissement total de la dette.

Amortissement brut de la dette (ABD)

Ce ratio tient compte uniquement des dépenses liées au logement. Les prêteurs hypothécaires acceptent généralement un ABD entre 32 % et 39 % du revenu brut, selon la qualité de la cote de crédit de l’emprunteur. De plus, si la mise de fonds est inférieure à 20 % de la valeur de la propriété, l’emprunteur devra souscrire une assurance prêt hypothécaire. Le calcul de l’ABD se fait de la façon suivante :

(paiement hypothécaire + impôts fonciers + frais de chauffage
+ 50 % des frais de copropriété)
× 100
(revenu brut)

Attention, toutes les données doivent être basées sur la même fréquence (mensuelle ou annuelle, par exemple).

Amortissement total de la dette (ATD)

Ce ratio tient quant à lui compte de toutes les dettes de l’emprunteur. Pour les marges de crédit non garanties ou les soldes de cartes de crédit, il faut inclure le montant d’un paiement mensuel égal, au minimum, à 3 % du solde impayé. Par contre, pour les marges de crédit garanties, il faut inclure au minimum un montant égal à un paiement mensuel sur le solde impayé amorti sur une période de 25 ans. Ce ratio peut généralement atteindre entre 40 % et 44 % du revenu brut selon la qualité de la cote de crédit de l’emprunteur. Ici aussi, il faut souscrire une assurance prêt hypothécaire si la mise de fonds est inférieure à 20 % de la valeur de la propriété. Le calcul de l’ATD se fait de la façon suivante :

(paiement hypothécaire + impôts fonciers + frais de chauffage
+ 50 % des frais de copropriété + autres engagements)
× 100
(revenu brut)

Encore une fois, toutes les données doivent être basées sur la même fréquence.
Le montant du paiement hypothécaire aux fins des ratios du service de la dette doit être calculé en tenant compte d’un taux correspondant au plus élevé entre :

  • Pour un nouveau prêt hypothécaire assuré : le taux prévu par le contrat hypothécaire et le taux des prêts hypothécaires ordinaires de 5 ans affiché par la Banque du Canada
  • Pour un nouveau prêt hypothécaire non assuré : le taux prévu par le contrat hypothécaire majoré de 2 % et le taux des prêts hypothécaires ordinaires de 5 ans affiché par la Banque du Canada

Un exemple

Jasmin et Amélie vivent ensemble depuis 5 ans dans un appartement dans l’est de Montréal. Depuis 3 ans, ils s’efforcent à mettre de côté tout ce qu’ils peuvent afin de réaliser leur premier projet commun d’envergure, s’acheter leur première maison. Ils ont fait leur budget et, après une première année difficile à essayer de respecter un budget beaucoup trop contraignant, ils ont finalement trouvé le point d’équilibre qui leur permet, avec une bonne discipline (et la vente de leur 2e voiture), de maintenir un niveau de vie qui leur convient tout en progressant vers leur objectif.

Ils ont trouvé un jumelé qui leur plaît, ils auraient donc besoin d’un prêt hypothécaire de 400 000 $ considérant une mise de fonds de 20 %. Le revenu brut de Jasmin est de 55 000 $ (4 583 $ par mois), alors que celui d’Amélie s’élève à 65 000 $ (5 417 $ par mois), pour un total de 10 000 $. Ce projet est-il réalisable?

Poste de dépenses
Mensualité estimée
Versement hypothécaire (25 ans, 5,75 %1)
2 500 $
Électricité
175 $
Impôt foncier
333 $
Total
3 008 $

1Taux d’intérêt prévu au contrat (3,75 %) majoré de 2 % = 5,75 %
Taux d’intérêt 5 ans affiché par la Banque du Canada = 5,34 %

L’ABD de Jasmin et d’Amélie serait adéquat, puisqu’il est en deçà de 32 % :

3 008 $ ÷ 10 000 $ × 100 = 30,08 %

Qu’en est-il de l’ATD, compte tenu des renseignements suivants?

Obligations mensuelles
Jasmin
Amélie
Prêt-auto
450 $
0 $
Carte de crédit* (3 % du solde impayé)
0 $
0 $
Prêt étudiant
0 $
125 $
Total
450 $
125 $

*Le solde est toujours entièrement acquitté à la date d’échéance.

(3 008 $ + 450 $ + 125 $) ÷ 10 000 $ × 100 = 35,83 %

Comme leur ATD n’atteint pas 40 %, Jasmin et Amélie devraient être en mesure d’obtenir le prêt dont ils ont besoin. Évidemment, il serait sage pour eux de s’assurer que les coûts liés à la propriété s’insèrent bien dans leur budget.

Et le Régime d’accession à la propriété (RAP) dans tout ça?

Le RAP permet aux personnes qui se qualifient de « premier acheteur » d’un logement de retirer un maximum de 25 000 $ de leur REER (total de 50 000 $ pour un couple) sans impact fiscal dans le but d’acheter ou faire construire une habitation admissible. Toutefois, ces sommes doivent être remboursées au REER sur une période de 15 ans. Les sommes utilisées pour rembourser le RAP ne donnent pas droit à une déduction. Chaque année, il faut rembourser au minimum un montant égal au solde du remboursement à effectuer divisé par le nombre résiduel d’années de remboursement, sinon la somme est ajoutée au revenu imposable et les droits de cotisation au REER ne peuvent être récupérés. Le RAP peut être très utile, mais il serait imprudent de l’utiliser pour s’offrir une résidence d’une valeur plus élevée que celle qu’on pourrait se permettre autrement. Évidemment, les sommes retirées ne génèrent pas de rendement tant qu’elles ne sont pas remboursées au REER, il faut donc que la planification de la retraite en tienne compte.

Si vous êtes un acheteur, particulièrement s’il s’agit d’un premier achat, il serait prudent de ne pas dépasser le pourcentage minimum des ratios d’amortissement brut de la dette et d’amortissement total de la dette. Emprunter davantage pourrait vous mettre dans une situation difficile, puisque ces ratios ne tiennent compte ni de votre budget ni de vos projets à court et à moyen terme. En effet, si vous désirez avoir un troisième enfant ou si vous songez à changer votre voiture sous peu, cela ne se reflète pas dans ces ratios. Aussi, il est important de reconnaître votre capacité à gérer votre budget. Si vous n’avez jamais fait votre budget ou si vous n’avez jamais su suivre celui que vous aviez fait, il serait alors imprudent d’emprunter le maximum que votre institution financière vous consent.