Lorsqu’arrive la date limite pour cotiser au REER, plusieurs personnes consulteront leur planificateur financier pour déterminer deux choses : les montants qu’ils peuvent se permettre d’épargner et les véhicules qui leur conviennent le mieux. Est-ce bien le REER? Le CELI? Certains se demanderont aussi s’il serait préférable de faire leurs choix eux-mêmes plutôt que de payer des frais à un représentant, comme un courtier de plein exercice, un courtier en épargne collective ou un conseiller en sécurité financière.

Il existe plusieurs plateformes abordables permettant aux investisseurs individuels d’acheter et de vendre eux-mêmes des actions, des obligations et autres titres. Certaines offrent aussi des recherches sur les titres et des opinions d’analystes visant à éclairer l’investisseur dans ses choix. À première vue, la formule semble intéressante.

Le problème de cette méthode d’investissement n’est pas dans le prix ou les aspects techniques. Le piège se trouve chez l’investisseur : l’excès de confiance. Il s’agit d’un biais bien connu en finance comportementale.

Pour comprendre le phénomène, imaginons que vous vous présentez à une table de poker de votre casino préféré. Au moment de partir, vous avez accumulé des gains appréciables. Vous revenez à la maison plutôt fier de vos tactiques rusées et de votre stratégie. La finance comportementale nous apprend que le joueur moyen attribuera la cause de ses succès à ses habiletés. Le rôle de la chance sera généralement sous-estimé, même dans un jeu de hasard.

Des études ont mis en lumière des phénomènes semblables chez les investisseurs particuliers. Par exemple, au début des années 2000, deux professeurs de l’University of California, Brad M. Barber et Terrance Odean, ont voulu savoir si le fait d’avoir passé du téléphone à Internet pour faire des transactions, dans les années 90, avait eu un effet sur la fréquence des transactions, la prise de risque et le rendement.

Ils ont découvert que les personnes qui étaient passées aux transactions par Internet avaient eu des rendements supérieurs aux autres avant ce changement. Par la suite, elles ont pris plus de risques et transigé plus fréquemment que les investisseurs qui n’ont pas adopté les plateformes en ligne, mais leurs rendements ont cependant diminué. Les auteurs expliquent cette diminution principalement par l’excès de confiance. Les investisseurs en ligne attribuent leurs bons rendements à leurs habiletés, sous-estimant ainsi le rôle de la chance. Encouragés, ils ont poursuivi sur la plateforme en ligne, mais puisque leur succès s’expliquait d’abord par la chance, celle-ci a fini par tourner, entraînant les rendements avec elle.

Un texte publié par The Economist rapporte une étude semblable plus récente faite en Inde sur les premières offres publiques à l’épargne. La loi locale oblige les émetteurs à réserver une portion des actions au grand public plutôt qu’aux investisseurs institutionnels. Une loterie détermine qui aura la possibilité d’acheter ces actions. Les auteurs ont voulu étudier comment cette loterie influençait le comportement des investisseurs. Ils les ont séparés en deux groupes : ceux dont le titre était en hausse peu de temps après l’achat initial et ceux dont le titre était en baisse pendant la même période.

Comme pour l’étude précédente, les auteurs ont observé une augmentation de la fréquence de transactions dans le groupe en hausse. Fait surprenant, l’augmentation portait sur les autres titres que celui ayant fait l’objet de la loterie. Les auteurs concluent que les investisseurs font une mauvaise interprétation de la hausse des titres, l’attribuant à tort à leurs habiletés plutôt qu’au hasard.

Que faut-il retenir de tout cela?

En plus de nécessiter des connaissances importantes, investir sur les marchés demande une bonne dose d’humilité. Les bons ou moins bons rendements peuvent être obtenus grâce à nos décisions… Ou en dépit de celles-ci. Pour vous en convaincre, demandez-vous si une personne qui a vendu ses actions dans une compagnie aérienne en février 2020 est clairvoyante, ou simplement chanceuse? Qu’en est-il de celle qui a fait la transaction inverse? Le hasard jouera toujours un rôle important dans les résultats d’investissement. L’investisseur doit avoir la sagesse et l’humilité de le reconnaître.

Aussi, le rôle de votre planificateur financier dans la gestion de vos attentes et de vos émotions est plus important que la sélection des titres. Plutôt que de chercher à battre les marchés, il doit vous accompagner, vous aider à éviter de sombrer dans la peur lorsque les marchés sont en baisse ou de succomber à l’appât du gain lorsqu’ils sont en hausse. Il n’est pas qu’un gestionnaire de vos avoirs, il est un gestionnaire de vos émotions et parmi ses outils de travail, une oreille attentive lui est bien souvent le plus utile!

Pour l’instant, le robot-conseiller ou la plateforme transactionnelle en ligne ne peuvent vous offrir ces services.